Selon vous, les États auraient-ils dû s’endetter davantage pour dépenser plus
après la crise de 2008 ?
Tout à fait. C’est d’ailleurs ce qu’a fait la Chine en lançant en 2009 le plus grand
plan de relance keynésien de toute l’histoire de l’humanité. Pour revenir aux faucons
rhénoflamands, il faut également qu’ils comprennent que la division du travail qu’ils
ont imposée dans la zone euro est mortifère. Elle stimule l’industrialisation du nord
alors que le sud se désindustrialise rapidement, y compris la France. Jusqu’à présent,
c’est uniquement parce que les pays du sud de la zone euro ont réussi à maintenir des
niveaux de salaires relativement élevés qu’ils ont été capables d’absorber les produits de
l’industrie du nord. Si la zone sud de l’euro avait imité la déflation salariale allemande
pour gagner en compétitivité, les excédents allemands n’auraient rien à voir avec ce
qu’ils sont aujourd’hui, puisque 70% de ces excédents viennent du reste de la zone euro.
Si l’Europe du Sud s’effondre, l’Allemagne s’effondrera avec elle.
L’Europe a-t-elle suffisamment fait preuve de solidarité jusqu’à présent ?
La solidarité européenne reste très insuffisante. Je suis inquiet pour l’Italie, l’Espagne et
le Portugal. Pour se mettre d’accord sur le plan de 540 milliards d’euros destiné à faire
face à la crise, nos ministres des Finances en sont venus aux insultes. C’est d’autant plus
grave que cela reste en deçà des besoins de l’économie européenne. Il y a un risque que
les populations du sud de l’Union s’interrogent sur l’intérêt d’en faire partie si elle n’est
pas capable de faire preuve de solidarité dans ce qu’elles vivent comme une tragédie
sanitaire. Le moyen le plus simple pour concrétiser cette solidarité européenne serait de
lancer des corona bonds, une dette commune, à hauteur de 1 000 milliards d’euros, à
taux nul. Il y aurait, évidemment, un droit de tirage beaucoup plus important pour les
pays du sud afin de leur permettre de faire face aux conséquences catastrophiques du
confinement. Il y a encore une chance pour qu’Angela Merkel se lance dans cette voie,
car nos amis allemands sont partagés.
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