2.2. Les nouveaux éléments dans le vocabulaire
A partir du XIII siècle les emprunts au latin littéraire et au grec deviennent de plus en plus nombreux. Ces mots empruntés au latin et au grec sont par tradition appelés savant . il arrivait parfois que le même mot latin a pu donner en français deux mots : l’un de formation populaire et l’autre de formation savante, ce qui donne un double étymologique, quand le mot latin subit toutes sortes de changements phonétique et le même mot latin emprunté plus tard avait conservé presque intacte (нетронутыé) sa structure et son sens primitif.
Le terme «emprunt» peut, il est vrai, paraître discutable dans la mesure où il n’y a jamais de contrat entre deux langues, encore moins de dette, d'autant plus que, d'une façon ou d'une autre, les mots n'ont pas à être rendus, une fois empruntés. On pourrait plutôt parler d'appropriation, de vol ou de pillage, mais ce genre d'emprunt n'enlève rien à la langue prêteuse. Bien au contraire, elle enorgueillit les locuteurs de cette langue.
Dans les faits, l'emprunt demeure un phénomène sociolinguistique très important dans les contacts entre les langues. Les pays situés les uns à côté des autres sont inévitablement soumis aux échanges linguistiques. L'emprunt linguistique est lié au prestige dont jouit un peuple et sa langue ou, dans le cas inverse, au mépris dans lequel on tient l'un et l'autre. Généralement, les peuples dominants transmettent les mots de leur langue aux peuples dominés; mais il peut arriver qu'une langue conquérante finisse par disparaître au profit de la langue conquise après lui avoir légué un nombre appréciable de mots.
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Les relations économiques, politiques et culturelles entre les pays provoquent l’entrée de certains éléments d'une langue dans une autre. Ce phénomène des emprunts a existé de tout temps, y compris dans l'Antiquité gréco-latine, peut-être même bien avant avec les Sumériens et les Babyloniens. Dès le début de son existence, vers le XIe siècle, l'ancien français a commencé à emprunter des mots à l'arabe, à l'allemand, au néerlandais, à l'italien, etc. Le latin avait, lui aussi, emprunté à d'autres langues, surtout au grec mais aussi aux langues italiques parlées par les peuples conquis (osque, ombrien, volsque, ligure, etc.). Dans la Gaule soumise par les Francs, le gallo-roman a massivement emprunté à la langue franque appelée «germanique». Tout au long de son histoire, le français a emprunté des milliers de mots à plusieurs autres langues, mais il en a aussi donné à d'autres avec lesquelles il a été en contact.
Les principales causes des emprunts linguistiques sont les guerres, le commerce et la colonisation. Quand on examine la carte de l'Europe, on remarque que les pays voisins de la France, particulièrement la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas et l'Italie, ont transmis beaucoup plus de mots à la langue française que d'autres pays. Par exemple la Grande-Bretagne (2515 mots), l'Italie (1198 mots), l'Allemagne et l'Autriche (546 mots), l'Espagne (476 mots), les Pays-Bas (249 mots) et le Portugal (117 mots):
Grande-Bretagne (anglais)
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2515
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Russie (russe)
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97
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Italie (italien)
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1198
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Suède (suédois)
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24
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Allemagne (allemand)
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546
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Norvège (norvégien)
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16
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Espagne (castillan + catalan)
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476
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Pologne (polonais)
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15
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Pays-Bas (néerlandais)
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249
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Danemark (danois)
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7
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Portugal (portugais + galicien)
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117
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République tchèque (tchèque)
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8
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Il faut ajouter à ces exemples les cas de l'occitan (479 mots) dans le sud de la France, du franco-provençal (42 mots) dans l'est et le catalan (18 mots) en Espagne.
Si l'on fait exception de la Russie (97 mots), les autres pays, par leur langue nationale, ont donné nettement moins de mots au français, que ce soit la Norvège (16 mots), la Suède (24 mots), le Danemark (7 mots), l'Irlande (10 mots), la Slovaquie (5 mots), la Serbie (4 mots), la Grèce moderne (7 mots), l'Albanie (2 mots), l'Ukraine (1 mot), l'Estonie (1 mot), etc.
Il est donc normal que ce soit les pays voisins qui s'échangent des mots, généralement en raison des guerres ou des rapports commerciaux, à moins que la colonisation puisse en quelque sorte faire fi des distances dans la mesure où ce sont les colonisateurs qui s'installent de force dans un autre pays éloigné pour s'emparer de ses richesses. À ce moment-là, certains mots régionaux désignant des réalités locales peuvent s'intégrer dans la langue des colonisateurs.
Quand la France s'est mise à coloniser le nord de l'Afrique ou la Grande-Bretagne le sud du même continent, ce n'est pas la proximité géographique qui a joué, mais les rapports de force, sinon la guerre. D'ailleurs, beaucoup de mots empruntés servent à désigner des réalités de la guerre ou des réalités locales. Une fois intégré ou assimilé dans la langue d'arrivée, l'emprunt — lorsqu'on peut encore l'identifier — n'est plus perceptible que par des spécialistes, généralement des philologues ou des linguistes. C'est le cas de presque tous les emprunts anciens tirés du latin, du francique, de l'arabe, de l'italien, etc. La question des emprunts linguistiques constitue ainsi un merveilleux reflet des relations multiples que des groupes humains ont entretenu ou entretiennent encore entre eux. Les emprunts reflètent une partie de l'histoire des peuples et des rapports de force passés ou présents, donc également l'histoire de leur langue.
Les causes des emprunts apparaissent comme intimement liées aux conditions socio-historiques, particulièrement politiques et économiques, qui font évoluer les situations sociolinguistiques. Nous savons, par exemple, que la langue anglaise a intégré un grand nombre de mots d'origine française, mais il ne s'agit pas d'un mouvement naturel d'échanges entre les langues française et anglaise, c'est en fait parce que les Vikings scandinaves devenus des Normands se sont francophonisés avant de conquérir l'Angleterre en 1066 à la suite d'une invasion militaire. Avec les siècles, la situation a été inversée, notamment depuis le milieu du XXe siècle, le prestige de l'anglais ayant suivi la progression ascendante du pouvoir socio-économique des États-Unis. Comme il est facile de le constater, c'est presque toujours la langue dont le statut socio-économique est le plus faible qui emprunte massivement à la langue bénéficiant du plus grand prestige et de la plus grande force économique. Aujourd'hui, non seulement le français est fortement touché par l'anglais dans son évolution, mais c'est également le cas d'un très grand nombre de langues. Les emprunts aux langues mortes ont beaucoup enrichi le vocabulaire français. Les emprunts à d’autrés langues n’étaient pas si nombreux. On peu citer les emprunts au provençal (abeille, cabane, cadeau). Au XV siècle commencèrent les relations commerciales et politiques entre la France et l’Italie. On voit apparaître les mots d’origine italienne(bande, banquet, credit, escadre, pilote, poste).
La source principale de l’enrichessement du vocabulaire restait la dérivation et la composition.
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