Kurs ishi bakalavriat yo’nalishi: 5120114 – Filologiya va tillarni o’qitish : fransuz tili


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Narzullayev Bekzod kurs ishi

III. Xulosa(conclusion).
Chroniqueur : au quotidien Le Gaulois, de 1880 à 1888. Au quotidien Gil Blas, dès 1881 ; plus épisodiquement au Figaro. Tous ses récits paraissent dans les journaux avant d’être réunis en volume. Souvent, ils sont inspirés par l’actualité. L’importance de la littérature dans les journaux d’alors est très grande : certains publient chaque jour plusieurs chroniques ou contes, et un ou deux feuilletons romanesques d’auteurs vivants. C’est aussi dans les journaux que Maupassant a publié plusieurs comptes rendus des Salons de peinture. Il s’est rendu en Algérie, en juillet-août 1881, comme envoyé spécial du Gaulois, au moment des soulèvements indigènes dans le Sud-Oranais. Une énorme production de récits. Les recueils sont : La maison Tellier, 1881 ; Mademoiselle Fifi, 1882 ; Contes de la bécasseClair de lune, 1883 ; Miss HarriettLes sœurs RondoliYvette, 1884 ; Contes du jour et de la nuit, 1885 ; La petite RoqueMonsieur ParentToine, 1886 ; Le Horla, 1887 ; Le rosier de Madame Husson, 1888 ; La main gauche, 1889 ; L’inutile beauté, 1890. Une énorme production romanesque : Une vie, 1883 ; Bel-Ami, 1885 ; Mont-Oriol, 1887 ; Pierre et Jean, 1888 ; Fort comme la mort, 1889 ; Notre cœur, 1890. Canotage. (Maupassant loue à Sartrouville une chambre chez Levanneur, en 1881-1884 ; il loue une villa à Triel en 1889.) En 1883, il se fait construire la villa “ La Guillette ” à Étretat. Voyages : à Cannes, près de sa mère malade, en 1884 ; il séjourne ensuite l’hiver à Cannes régulièrement jusqu’en 1890. À Antibes, où son frère essaie une exploitation agricole, en 1885, 86, 87. Maupassant possède un yacht, Le Bel-Ami, à partir de 1885. Il fait des croisières : par exemple en avril 1888 en Méditerranée. Autres voyages : en Afrique du Nord, en 1887, 88, 89, 90 ; en Corse avec sa mère, en 1880 ; en Italie (Venise, Rome, Naples, la Sicile) en 1885, et en 1889 (Livourne, Pise, Florence). Recueils sur ses voyages : Au Soleil, 1884 ; Sur l’eau, 1888 ; La vie errante, 1890. Domiciles parisiens : 1880-1884, 83, rue Dulong ; 1884-1889, 10, rue de Montchanin (aujourd’hui rue Jacques-Bingen), au rez-de-chaussée d’un hôtel possédé par son cousin : il s’y fait installer un cabinet de travail éclairé à l’électricité et très orné ; 1889-1890, 14, avenue Victor-Hugo ; 1890, 24, rue de Boccador, plus une garçonnière avenue Mac-Mahon. Maupassant devient riche. Ainsi, ses chroniques lui sont payées 200 à 300 F chacune ; en 1889, on estime qu’il gagne 120 000 francs par an (comparer avec son salaire de 1878 !) À partir de 1885 (Bel-Ami), les contes mettent en scène des gens du monde. C’est que Maupassant a peu à peu pénétré dans ce monde, dont il déteste d’ailleurs l’artificialité et la bêtise, et fréquente des femmes qui ont des salons réputés : Hermine Lecomte du Noüy en 1883 (une “ amitié amoureuse ”, au moins), la comtesse Potocka vers 1884 (belle, excentrique, autoritaire et indépendante : il fait partie de son étrange cercle des “ Macchabées ”, les hommes qui sont “ morts ” d’amour pour elle, et portent un insigne ; des lettres de 1889 le montrent épris, soumis, fasciné) ; Marie Kann, sa maîtresse ; sa sœur Mme Cahen d’Anvers. Maupassant fréquente chez Mme Emile Straus, veuve de Georges Bizet, à partir de 1885 : un milieu que Proust a bien connu, Mme Straus étant un modèle de Mme de Guermantes. D’autres femmes, certaines humbles, comme Joséphine Litzelmann, donneuse d’eau à Chatelguyon, dont Maupassant a des enfants non reconnus (Lucien 1883, Lucienne 1884, Marthe 1887) ; une danseuse de l’Opéra en 1888-1890 ; Gisèle d’Estoc, lesbienne d’autre part, femme qui écrit et sculpte. D’autres ; mais on prête facilement à cet écrivain riche en aventures féminines (une mystérieuse “ dame en gris ”, du monde, dont parle son valet François Tassart). Le frère de Maupassant, Hervé, instable, causant de grands soucis à sa famille, successivement sous-officier, employé, agriculteur, devient fou peu à peu en 1887-88, est interné à Lyon en 1889, meurt à l’asile le 13 novembre de cette année. C’est Maupassant, déchiré, qui s’est occupé des soins et de l’internement. Lui-même est malade des signes tertiaires de la syphilis, et d’hérédité nerveuse : migraines, vertiges, troubles de la vue, alopécie, neurasthénie alternant avec des périodes d’exaltation, hallucinations. Présents depuis 1877, ces signes s’aggravent, causant à Maupassant des souffrances considérables à partir de 1888. Soigné au mercure, au bromure, aux excitants, il se drogue en outre à l’opium et à l’éther. Il prend des eaux à Chatelguyon, Aix, Plombières, Luchon, Divonne, à partir de 1883. Peu de contes à partir de 1889. Débuts de romans, restés inachevés, en 1890 et 1891 : L’âme étrangère, L’angélus. Dépression en 1891, tentative de suicide en janvier 1892. Internement à la maison de santé du Dr Blanche (le fils du Dr Esprit Blanche, qui soigna Gérard de Nerval). Maupassant meurt le 6 juillet 1893, après une lente dégradation. Il est enterré au cimetière Montparnasse. Caractère de l’œuvre
Oublier les clichés
Longtemps, une image toute faite de Maupassant a voilé la véritable portée de son œuvre : Maupassant ? Un homme à femmes, un joyeux canoteur, un amateur d’histoires de chasse. Et si clair, si net dans ses récits, que l’agrément de les lire est total. Faits pour le délassement, puisqu’ils suscitent la gaieté, et pour l’enseignement de la langue, puisqu’ils sont si aisés et classiques, ils ne vont cependant pas jusqu’à la “ grande littérature ”. On classe Maupassant parmi les petits maîtres du réalisme ; quelques récits fantastiques comme Le Horla s’expliquent par la folie dans laquelle a sombré l’écrivain. Quant à Maupassant romancier, c’est bien connu, il n’a pas été à la hauteur de Maupassant nouvelliste...
Une œuvre sombre
Des clichés, Maupassant n’est pas le seul auteur français à en avoir été la victime. Ils ont sévi dans tous les domaines de la littérature : Gérard de Nerval a bel et bien passé pour un poète de second plan jusque dans les années 1930. A vrai dire, un lecteur de bonne foi n’a pas de mal à constater que très peu des récits de Maupassant sont conformes à l’image qu’on en donnait naguère encore. Dans l’ensemble, ils sont noirs, même si leur pessimisme s’exprime à travers un sourire. Par exemple, dans les Contes normands dont on célèbre la saveur du terroir et le pittoresque, la cruauté perce souvent. Pour un conte franchement drôle comme La bête à Maît’Belhomme, où toute une diligence s’égaie de trouver une fourmi dans l’oreille d’un paysan, que de contes où s’expriment la dérision universelle, et la tristesse de la vie ! Un paysan est calomnié, il meurt parce qu’on l’a vu ramasser une ficelle (La ficelle), un aubergiste tue d’alcool une femme pour avoir son bien (Le petit fût), le gros Toine, devenu paralytique, est forcé par sa femme à couver des œufs et battu s’il bouge (Toine). Il en va de même dans toute l’œuvre de Maupassant. Une partie de campagne, gaieté, amour charnel qui triomphe, tableau à la Renoir ? Mais seulement si l’on veut oublier la fin du récit, qui nous montre la jolie héroïne, un an après, “ l’air triste ”, assise dans le même paysage près du garçon “ aux cheveux jaunes ”, dormant “ comme une brute ”, auquel on l’a mariée. La belle journée, unique dans sa vie, n’est plus qu’un terrible regret. Quant aux romans de Maupassant, ils montrent des femmes à la vie manquée (Une vie), des hommes qui souffrent (à partir de Pierre et Jean), un grand monde sans noblesse (les deux derniers romans), la force brutale de l’argent dans la société (Bel-AmiMont-Oriol).
Puissance sensuelle, joie de vivre
Pourtant, un lieu commun ne s’établit pas sans raison, et si celui du “ joyeux Maupassant ” a pu faire tant de ravages, c’est que cette œuvre est pleine d’un appétit de vivre, d’un élan pour sentir la nature, pour goûter l’amour physique, qui donnent une vigueur poétique et sensuelle aux choses et aux êtres. Maupassant saisit le monde avec une force de primitif. Il en perçoit et en célèbre les détails heureux. “ Je suis une espèce d’instrument à sensations (...) J’aime la chair des femmes, du même amour que j’aime l’herbe, les rivières, la mer ” (à Gisèle d’Estoc, janvier 1881). Quoiqu’il ait reçu une bonne culture, ce n’est pas un “ intellectuel ”, à la différence de la plupart des écrivains français : les sensations ne lui parviennent pas filtrées par les livres, et les systèmes d’idées lui paraissent très pauvres, à côté des “ courtes et bizarres et violentes révélations de la beauté ” dont il vit et vibre (lettre à Jean Bourdeau, 1889). Superbes descriptions de la Seine chatoyante, de Rouen vu de haut, du Paris des boulevards, des femmes aux petits cheveux frisottant sur la nuque, d’un repas fin, d’un meuble rare. Impression que nous avons de happer avec lui le plaisir, de nous laisser pénétrer par un paysage... Retournement : un monde en perte. “ Je suis de la famille des écorchés ” Mais cette faculté de jouir, n’est-elle pas justement l’indice d’une aptitude hors du commun à recevoir toutes les sensations, à souffrir par conséquent des tristesses et des médiocrités ? Maupassant est un homme sans illusion, qui est tôt persuadé du caractère passager du bonheur, et voit la mort s’insinuer en toute chose. S’il est une vision du monde avec laquelle il s’accorde, c’est bien celle de Schopenhauer, plusieurs fois cité dans ses lettres et ses récits (Auprès d’un mort) : néant des attachements, perte irrémédiable où va le monde. De son cher Étretat, il écrit à sa mère, en janvier 1881 : “ J’ai froid plus encore de la solitude de la vie que de la solitude de la maison. Je sens cet immense égarement de tous les êtres, le poids du vide. Et au milieu de cette débandade de tout, mon cerveau fonctionne, lucide, exact, m’éblouissant avec le Rien éternel. ” Les salons, dans lesquels il a peu à peu pénétré, ne suscitent en lui qu’éloignement. Il y reste silencieux et distant. “ Dans un salon, je souffre dans tous mes instincts, dans toutes mes idées, dans toutes mes sensibilités, dans toute ma raison ” (même date, à Gisèle d’Estoc). “ Convictions, idées et morale d’imbéciles ”, assure-t-il encore à Mme du Noüy, en 1886. Il méprise le monde politique ; il trouve dérisoire, mais pitoyable, le monde des petits fonctionnaires, dont il fut. Les femmes lui sont chair à plaisir, il en change sans cesse, mais l’usage et abus de ses appétits toujours vifs se retourne contre lui ; la syphilis le mine. Puis, certaines lui inspirent des sentiments toujours marqués par l’inquiétude : attachement pour Mme Leconte du Noüy, crainte et attirance pour Mme Potocka, Mme Kann, intelligentes, “ rosses ” et brillantes. “ J’ai un pauvre cœur orgueilleux et honteux, un cœur humain, ce vieux cœur humain dont on rit, mais qui s’émeut et fait mal et dans la tête aussi, j’ai l’âme des Latins qui est très usée. Et puis il y a des jours où je ne pense pas comme ça, mais où je souffre tout de même, car je suis de la famille des écorchés. ” (1890, à une destinataire inconnue).
Malignité du monde
L’extrême acuité des sens est donc par elle-même source de malheur autant que de plaisir, et cette ambivalence se marque dans les récits de Maupassant. La Seine des insouciants canotiers est aussi celle des trahisons (La femme de Paul) et des suicides (Lettre trouvée sur un noyé). Les brasseries si animées, si drôles dans Bel-Ami sont aussi des lieux où des solitaires blessés par la vie mènent une existence isolée (Garçon, un bock ! Monsieur Parent). Rouen est le lieu d’enfance chéri par Bel-Ami, mais aussi le théâtre des terreurs du Horla et de Qui sait ? La fille qu’on choisit comme une viande se révèle être le propre enfant du narrateur, ainsi devenu incestueux (L’ermite). L’enfant naturel, l’enfant adultérin, autant de pièges de la nature : fruits d’étreintes qu’on croyait brèves, ils souffrent, font souffrir, tuent leurs parents retrouvés. Le petitL’enfantUn filsUn parricideMonsieur ParentPierre et Jean, autant de témoignages d’une véritable obsession pour Maupassant. Tout dans le monde recèle finalement du noir et de la mort : la joie se retourne ; c’est toujours la misère qui triomphe. Maupassant est, comme son maître Flaubert, un lecteur de Sade. Il rencontre ce grand contre-moraliste dans l’idée que la nature nous veut du mal, est mal agencée pour l’homme. “ Ah, le pauvre corps humain, le pauvre esprit, quelle saleté, quelle horrible création. Si je croyais au Dieu de vos religions quelle horreur sans limites j’aurais pour lui ! ”, écrit-il à Mme Potocka après avoir rencontré son frère fou. Ce n’est pas un sentiment de circonstance. Dans L’Inutile Beauté, nous lisons : “ Sais-tu comment je conçois Dieu : comme un monstrueux organe créateur inconnu de tous, qui sème dans l’espace des milliards de mondes, ainsi qu’un poisson unique pondrait des œufs dans la mer. Il crée parce que c’est sa fonction de Dieu : mais il est ignorant de ce qu’il fait, stupidement prolifique, inconscient des combinaisons de toutes sortes produites par ses germes éparpillés. La pensée humaine est un heureux petit accident des hasards de ses fécondations, un accident local, passager, imprévu, condamné à disparaître avec la terre (...) Nous lui devons d’être très mal en ce monde qui n’est pas fait pour nous. ” Ainsi que Sade, Maupassant a été attiré par les descriptions cruelles, comme tenté lui-même, ainsi qu’il le dit dans Sur les chats, tandis que l’amère pitié est au contraire le ton de certaines œuvres, comme Une vie.
Place du fantastique
On peut accumuler les éléments qui font connaître le terrain névrotique sur lequel se construit toute l’œuvre de Maupassant : hérédité lourde du côté de sa mère, impression d’abandon produite par la séparation des parents, syphilis brochant là-dessus et parvenant au stade tertiaire, avec des traitements à la fois calmants et excitants, et l’usage de la drogue pour calmer la douleur. Maupassant est un cyclothymique passant par des alternances d’excitation et de dépression. Mais comment croire que le conteur fantastique soit chez lui un produit de la maladie ? Du conte pessimiste, du conte cruel, au conte fantastique, il n’y a pas loin, car le fantastique de Maupassant vient du cœur et des choses, il suinte de l’univers, il est la fine pointe de la réalité. Mais le lecteur français est tellement méfiant devant l’irrationnel qu’il voudrait à toute force le caser dans une catégorie spéciale, le rendre inoffensif : voyez, c’est un fou qui écrit des histoire de folie ; nous pouvons les lire sans être entamés par elles ! Pareille assertion ne résiste pas à l’examen. Dans la courte et si remplie carrière littéraire de Maupassant, les contes fantastiques sont présents dès le début (“ Sur l’eau ” fait partie de La maison Tellier, “ Fou ? ” de Mademoiselle Fifi) et connaissent un maximum de fréquence en 1885-1886, le moment du Horla, pour diminuer en nombre ensuite, comme si Maupassant avait précisément reculé devant des récits qui mettraient en scène un destin dont il sentait qu’il serait le sien. Il n’a pas donné de place spéciale à ses contes fantastiques, qu’il a fait paraître dans des recueils où ils avoisinaient des récits dits “ réalistes ”. Et quand il les a écrits, il n’était pas “ fou ”. Il maîtrisait parfaitement son sujet et son écriture ; il prenait distance. Le moment où Maupassant sombre dans la folie, c’est précisément celui où il cesse d’intéresser la littérature : il hésite, il commence des romans, restés inachevés ; puis il n’écrit plus rien, toute création artistique procédant d’un contrôle dont il est désormais incapable. Les contes fantastiques sont l’indice d’un tempérament sensible jusqu’à la souffrance ; mais pour expliquer leur talent, le talent, ce tempérament ne saurait servir de fil conducteur. Élevé dans les mêmes conditions, atteint du même mal, mort à l’asile trois ans avant Maupassant, son frère Hervé n’a jamais rien écrit.
Récits fantastiques
Le temps de Maupassant est celui où, à la suite du choc de la défaite de la France en 1870, et de l’orientation de la philosophie et de la science, les écrivains et la société qui les lit passent par une crise de conscience collective. Négation ou usure des valeurs religieuses et morales, fin de l’anthropocentrisme, idée que nos sens sont imparfaits et nos connaissances relatives, sont à l’origine d’un mal de vivre, d’un “ ennui fin de siècle ” plus forts que le “ mal du siècle ” des romantiques, car il englobe la nature et l’amour dans un sentiment de néant. Névroses, recours à la drogue, aux diverses expériences sexuelles, parfois refuge cherché dans des sectes religieuses, c’est le temps d’une société lasse et violente qui ressemble en bien des points à la nôtre. Beaucoup d’écrivains sont alors des auteurs de récits fantastiques, d’ailleurs très réussis, qui témoignent d’une certaine culture de la névrose, d’une volonté d’établir un malaise chez le lecteur en faisant appel à des situations extrêmes : Jean Lorrain, avec ses histoires de drogue et de masques ; Remy de Gourmont, dans ses Histoires magiques (1895) où règnent le sexe et la mort ; Catulle Mendès avec ses Monstres parisiens (1882). Les récits fantastiques de Maupassant, presque toujours, au contraire, sont vraisemblables : si l’on considère que Le Horla procède d’une croyance alors très répandue dans l’existence d’êtres d’une constitution différente de la nôtre et supérieure à elle, et qu’il utilise en somme une science-fiction, il n’est guère que le récit Qui sait ? pour nous montrer un événement “ impossible ” : des meubles qui se déménagent tout seuls de leur maison. Ailleurs, les faits sont plausibles, et ils nous sont souvent garantis par la qualité du narrateur, homme sérieux, médecin ou juge. Nous avons vu que le tempérament, l’expérience de Maupassant l’incitaient à croire que l’inexplicable n’a pas à être artificiellement suscité : il est bien suffisamment maître de notre cœur et de notre terre. C’est un fantastique intérieur qu’il pratique. Le héros de ces récits est la plupart du temps un homme sans souci particulier, qui vit heureux, bien portant, qui n’est torturé ni par ses nerfs, ni par son intelligence, jusqu’à ce que le hasard (toujours mauvais chez Maupassant) lui présente une affreuse vérité. Il vit dans un décor ordinaire, et l’on ne trouve pas chez Maupassant de ces châteaux hantés, de ces paysages d’horreur qui font le cadre du fantastique d’épouvante. Mais peu à peu, les objets quelconques se révèlent porteurs d’une charge de terreur : une carafe, une rose, un livre prouvent l’existence du Horla. Le secrétaire amoureusement cherché et acheté contient une chevelure de perdition. Persuadé que notre identité est floue, que les limites de notre personnalité sont toujours difficiles à définir et menacées, Maupassant fonde ses récits fantastiques sur les risques d’aliénation constants de notre être. D’abord par l’autre, sous sa forme la plus proche : la femme aimée. En étant infidèle, en étant malade, en mourant, elle révèle à l’homme qu’il est mortel, et qu’il est un mortel parmi d’autres (Animaux compris. C’est d’un cheval que la femme est amoureuse, c’est ce cheval que tue le mari qui parle dans Fou ? ). Dans Un cas de divorce, le mari s’éloigne de sa femme pour s’adonner à un monstrueux amour des fleurs de sa serre. Dans La tombe, l’amant déterre sa maîtresse morte pour la voir encore et garder “ comme on garde le parfum d’une femme après une étreinte d’amour, l’odeur immonde de cette pourriture ”. Mais ces cas sont extrêmes. Dans la relation amoureuse la plus ordinaire, on risque aussi d’être possédé, mangé par l’autre : magie noire qui empoisonne ce qui devrait être la source même du bonheur.
L’amoureux se suicide parce qu’il a compris à un tout petit détail que la femme ne sera jamais à l’unisson de son âme (Lettre trouvée sur un noyé). Ou bien, la vision d’une simple tache sur un corps féminin obsède un homme et le rend impuissant, obsédé (L’Inconnue). L’érotisme se retourne donc contre lui-même. Une belle chevelure mystérieuse, glacée, obsède toute sa vie l’homme qui l’a peignée (Apparition) ; chevelure de morte, elle conduit son découvreur à un amour sans bornes et à l’asile de fous (La chevelure). Proche de la longue chevelure est l’eau mouvante des rivières, qui charrie l’angoisse, parfois la mort : la Seine de Sur l’eau, d’Histoire d’un chien, du Horla, par opposition à la mer qui garde au contraire une valeur apaisante. Elle est opaque et dissolvante. La rivière de la Brindille offre au viol le corps de la petite Roque. Dans la rivière, on se suicide. Elle suscite cet être supérieur aux hommes et qui va les réduire à néant ou en esclavage : le Horla, qui ne vit d’ailleurs que d’eau ou de lait. La liquidité de la pluie ronge les nerfs du héros de Lui ?, errant dans les rues de Paris. L’eau trompe ; elle est inconnaissable comme la femme ; elle nous dépossède de nous-mêmes par ses reflets. De même le miroir, présent dans FiniAdieu, et dans le Horla où il prouve paradoxalement l’existence du Horla parce qu’il ne reflète plus rien, l’être venu d’ailleurs ayant un autre indice de réfraction que les choses de la terre. Le fantastique de Maupassant est celui du double, cet autre qui veille en nous tous, sournoisement, et qui surgit grâce aux autres, pour nous montrer que nous ne savons pas comment nous situer par rapport à nous-mêmes, dans ce monde mal fait. De là une abondance de points d’interrogation dans les titres de ces récits. Qui voit son double, comme dans Lui ?, qui perd son double, comme dans le Horla, est menacé dans son intégrité. Il sait qu’il est condamné à l’inconnaissable, au néant. Ce peut être vous ou moi : on s’assimile facilement au héros de ces récits. C’est pourquoi certains voudraient se rassurer en se disant qu’ils sont l’œuvre d’un malade. Maupassant met en cause la notion de “ folie ”, car le fou est celui qui a vu juste, qui est lucide. On ne le guérira pas de la vérité. C’est lui qui a raison contre l’aliéniste, odieux s’il considère le “ fou ” avec mépris (Mademoiselle CocotteLa chevelure), bon s’il se rallie finalement à la vision de son “ malade ” Considérées au début par Maupassant comme entièrement dépendantes de leur physiologie, et ne devant être estimées que par rapport à elle. “ Herbert Spencer me paraît dans le vrai quand il dit qu’on ne peut exiger des hommes de porter et d’allaiter l’enfant, de même qu’on ne peut exiger de la femme les labeurs intellectuels. Demandons-lui bien plutôt d’être le charme et le luxe de l’existence ” Le Gaulois, 30 décembre 1880. Une façon polie d’exprimer, à propos du sexe, ce que le personnage de L’Ermite dit crûment : “ Ceux qui n’ont pas aimé poétiquement prennent et choisissent les femmes comme on choisit une côtelette à la boucherie, sans s’occuper d’autre chose que de la qualité de leur chair. ” De nombreuses filles de joie figurent dans les récits de Maupassant, comme elles ont figuré dans sa vie. Elles ont des qualités que n’ont pas les autres femmes : marginales, elles ne perdent rien à donner libre cours à leurs sentiments, et c’est Boule de Suif et Rachel de Mademoiselle Fifi qui sont chargées d’être les repoussoirs de la lâcheté. Autres femmes “ nature ” de l’œuvre de Maupassant, les paysannes de Normandie, qui obéissent le plus souvent à l’instinct du sexe. Le sentiment à l’égard de la femme est considéré comme un leurre. Dès qu’une femme tente de s’attacher l’homme, dès qu’un homme se croit amoureux, on court au malheur. Il y a méconnaissance d’un sexe à l’autre ; la femme trompe, elle est légère, et surtout elle possède une puissance dissolvante terrible. Incertain de son identité, l’homme se sent agressé par l’Autre (voir Récits fantastiques). La femme vampirise. Maupassant n’est pas le seul à la dépeindre ainsi ; c’est courant chez les auteurs de la fin du xixe siècle (par exemple Huysmans) et les peintres. Mais si elle ne connaît pas, ou connaît dans la douleur, ce que Maupassant considère comme son destin de femme, il en fait un personnage qui mérite une grande pitié. C’est Jeanne, malheureuse en mariage et déçue par son fils, dans Une vie. C’est Christiane de Mont-Oriol, vite délaissée par son amant, mais qui connaîtra peut-être une satisfaction de mère. Surtout, ce sont les émouvantes vieilles filles de l’œuvre de Maupassant, passées à côté de la vie : Mademoiselle PerleMiss Harriett, la tante Lison d’Une vie. Vers 1886-1887, et sous l’influence de ses expériences personnelles, Maupassant évolue. Dans Fort comme la mort et Notre cœur surtout, c’est l’homme qui souffre longuement du fait de la femme, une femme “ moderne ” que Maupassant décrit aussi avec une crainte nouvelle dans le récit L’inutile beauté. Cette femme, raffinée, intelligente, refuse de se laisser dominer par l’homme ; elle est peut-être frigide ; en tout cas elle place sa propre indépendance au-dessus de la satisfaction des sens. Elle est énigmatique pour l’homme, et capable d’inverser les rôles traditionnels des sexes.


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