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CHAPITRE II. QUELQUES CHANGEMENTS DANS LA LANGUE FRANÇAISE


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CHAPITRE II. QUELQUES CHANGEMENTS DANS LA LANGUE FRANÇAISE


2.1. Les changements phonétique et la disparitions des formes verbale
Tout le système de l'ancien français se simplifia. Les nombreuses diphtongues et triphtongues disparurent, se réduisant à des voyelles simples dans la langue parlée. Les «lettrés» de l'époque réagirent en exigeant de conserver des graphies qui ne correspondaient plus à la langue orale; seule la langue écrite conserva les traces de la prononciation de l'époque précédente dans des mots comme oiseau, peau, fou, fleur, coeur et saoul. On eut aussi tendance à restituer des consonnes doubles disparues en ancien français (p. ex., belle pour bele d'après le latin bella, flamme pour flame d'après flamma, etc.). Pour lutter contre les confusions dues, à l'initiale des mots, à l'alternance entre la lettre [u] et [v] dans la graphie, on ajouta un [h] initial, ce qui permit de distinguer des mots tels que huis de vis, huître de vitre, etc. Plus tard, au XVIe siècle, on introduisit la cédille pour distinguer la lettre [c] prononcée [k] de celle [c] prononcée [s], ainsi que les accents tels que à, â, ê, ô. L'orthographe se compliqua, malgré les efforts de certains pour la rationaliser. On observe aussi l'effritement des consonnes finales (par exemple grand prononcé antérieurement gran-ntt devint gran) et la contraction des mots (serment pour serement). Il n'en demeure pas moins que l'orthographe commença à se fixer, comparativement à l'ancien français, tout en se compliquant en même temps, et ce, malgré les efforts de certains pour la rationaliser.
La déclinaison issue du latin et réduite à deux cas en ancien français tomba également, favorisant ainsi une stabilisation de l'ordre des mots dans la phrase (sujet + verbe + complément); les prépositions et les conjonctions se développèrent beaucoup, ce qui rendit la phrase plus complexe. Les conjugaisons verbales se régularisèrent et se simplifièrent. Par rapport à l'ancien français, de nombreux mots disparurent, notamment les termes locaux. 
Afin de se faire une idée des différences entre l'ancien français et le moyen français, on peut comparer ces transcriptions des Serments de Strasbourg, l'un étant une graphie du XIsiècle (ancien français), l'autre, celle du XVsiècle (moyen français):



Ancien francais (XIe siècle)
Por dieu amor et por del crestiien poeple
et nostre comun salvement, 
de cest jorn en avant, quan que Dieus saveir 
et podeir me donct, 
si salverai jo cest mien fredre Charlon,
et en aiude, et en chascune chose, 
si come on par dreit son fredre salver deit, 
en ço que il me altresi façet,
et a Londher nul plait onques ne prendrai
qui mien vueil cest mien fredre Charlon 
en dam seit.

Moyen français (XVe siècle)
Pour l'amour Dieu et pour le sauvement du chrestien peuple
et le nostre commun, 
de cest jour en avant, quan que Dieu savoir 
et pouvoir me done, 
si sauverai je cest mien frere Charle, 
et par mon aide et en chascune chose, 
si comme on doit par droit son frere sauver, 
en ce qu'il me face autresi, 
et avec Lothaire nul plaid onques ne prendrai,
qui, au mien veuil, à ce mien frere Charles
soit à dan.

L'une des caractéristiques du moyen français consiste à employer le pronom on en se substituant à toutes les autres personnes grammaticales, notamment avec la première personne du pluriel (nous). Ainsi, il était alors courant d'employer, par exemple, on aurions tort. Le type j'allons était aussi très répandu, même à la cour du roi. Dans les siècles à venir, ce type d'emploi sera éliminé à la cour pour se limiter à des usages ruraux. En français populaire, la construction on + verbe à la 3e personne du singulier au lieu de nous + verbe à la 1re personne du pluriel se maintiendra au XXe siècle dans la langue parlée.
Si la langue parlée était laissée à elle-même, il n'en fut pas ainsi pour la langue écrite. L'orthographe française demeurait encore très proche du latin, même si linguistiquement le français s'en est considérablement écarté. On peut même parler de «latin francisé».
En revanche, il existe peu de textes rédigés en français populaire, mais en voici un exemple trouvé dans le Journal d'un Bourgeois de Paris (de l'année 1416) écrit par un notable membre de l'Université:

Les pauvres gens mangeaient ce que les pourceaux ne daignaient manger: ils mangeaient trognons de choux sans pain, ni sans cuire, les herbettes de champ sans pain et sans sel. Bref il était si cher temps que peu de ménagers de Paris mangeaient leur soûl de pain; car de chair ne mangeaient-ils point, ni de fèves, ni de pois; que verdure, qui était merveilleusement chère.

Les traits les plus marquants du moyen français concernent le lexique et l'orthographe. Le français se répandit de plus en plus en France et gagna des positions réservées naguère au latin, mais celui-ci prit sa revanche en envahissant la langue victorieuse. 
Dès le XIIIe siècle, le latin savant faisait son apparition dans le vocabulaire français, mais, au XIVe siècle, ce fut une véritable invasion de latinismes. Au terme de ce siècle, les emprunts au latin devinrent tellement nombreux que les termes français parurent ensevelis sous la masse des latinismes. Un grand nombre de ces mots ne connut qu'une existence éphémère (intellectif; médicinable, suppécliter), mais d'autres réussirent à demeurer (déduction, altercation, incarcération, prémisse). Ce vaste mouvement de latinisation (ou de relatinisation) commença au milieu du XIVe siècle et allait se poursuivre jusqu'au milieu du XVIe siècle. On peut la considérer comme l'un des faits marquants de toute l'histoire du français.

Il faut voir, dans cette période du français, l'influence des clercs et des scribes instruits et puissants dans l'appareil de l'État ainsi que dans la vie économique de la nation. Ces gens, imprégnés de latin, éblouis par les chefs-d'œuvre de l'Antiquité et désireux de rapprocher la langue parlée, c'est-à-dire celle des «ignorants», de celle représentant tout l'héritage culturel du passé, dédaignèrent les ressources dont disposait alors le français. Si les latiniseurs avaient été formés à la philologie romane, ils auraient sans doute habillé les mots «à la mode romane» (ou vulgaire: «peuple»), mais ce ne fut pas le cas.
Ces «écumeurs de latin», comme on les a appelés, connurent un succès retentissant auprès des grands de ce monde, qui leur prodiguèrent maints encouragements. Ces érudits latiniseurs transcrivirent et/ou traduisirent les textes anciens en les accommodant à l'état du français. Ce faisant, ils éloignèrent la langue française de celle du peuple: ce fut le début de la séparation (ségrégation?) entre la langue écrite et la langue parlée.

Le français perdit la prérogative de se développer librement, il devint la chose des lettrés, des poètes et des grammairiens. Voici comment se justifiait un latiniste de l'époque, Nicolas Oresme (v. 1320-1382):
Une science qui est forte, quant est de soy, ne peut pas estre bailliee en termes legiers à entendre, mes y convient souvent user de termes ou de mots propres en la science qui ne sont pas communellement entendus ne cogneus de chascun, mesmement quant elle n’a autrefois esté tractée et exercée en tel langage. Parquoi je doy estre excusé en partie, si je ne parle en ceste matière si proprement, si clarement et si adornéement, qu'il fust mestier.

Autrement dit, il convient d'user non pas de «termes légers à entendre», mais souvent de «mots propres de la science qui ne soient communément entendus ni connus de chacun». Oresme professait ainsi que plus les termes étaient difficiles et rares, mieux ils convenaient à des écrits savants.
En 1501, à la toute fin du moyen français, un traité anonyme, Le Jardin de Plaisance et fleur de rhetorique, dénonçait déjà cette nouveauté à outrance qui consistait à écumer le latin :


Quint vice est d'innovation
De termes trop fort latinisans
Ou quant l'on fait corruption
D'aucuns termes mal consonants,
Trop contrains ou mal resonans
Ou sur le latin escumez;
Ainsi ilz sont moult dissonans,
Indignes d'estre resumez.

[Le cinquième vice est l'invention de mots nouveaux, trop latinisants,
ou quand on corrompt
des termes mal consonants,
trop forcés ou sonnant mal
ou empruntés au latin;
c'est ainsi qu'ils sont trop dissonants,
indignes d'être repris.]

En supposant que 20 millions de Français étaient des sujets du roi, on peut penser que quelque 40 000 d'entre eux savaient lire et que le tiers (presque tous les clercs) de cette mince fraction trouvait l'occasion de lire les textes que nous avons aujourd'hui sous la main. On peut estimer que pas plus d'un cinquantième de la population pouvait pratiquer ce français écrit. 
Le français s'est développé librement entre les IXe et XIVe siècles, mais le XVe siècle annonce déjà l'époque du «dirigisme linguistique», caractéristique du français qui va suivre. Durant ce temps, en 1452, l'Empire romain d'Orient (Byzance) était envahi par Memeth II, empereur ottoman (avec un seul canon, le premier de l'histoire), et Constantinople devenait Istanbul. La population fut massacrée et les églises, transformées en mosquées.

Il faut voir, dans cette période du français, l'influence des clercs et des scribes instruits et puissants dans l'appareil de l'État ainsi que dans la vie économique de la nation. Ces gens, imprégnés de latin, éblouis par les chefs-d'œuvre de l'Antiquité et désireux de rapprocher la langue parlée, c'est-à-dire celle des «ignorants», de celle représentant tout l'héritage culturel du passé, dédaignèrent les ressources dont disposait alors le français. Si les latiniseurs avaient été formés à la philologie romane, ils auraient sans doute habillé les mots «à la mode romane» (ou vulgaire: «peuple»), mais ce ne fut pas le cas.
Ces «écumeurs de latin», comme on les a appelés, connurent un succès retentissant auprès des grands de ce monde, qui leur prodiguèrent maints encouragements. Ces érudits latiniseurs transcrivirent et/ou traduisirent les textes anciens en les accommodant à l'état du français. Ce faisant, ils éloignèrent la langue française de celle du peuple: ce fut le début de la séparation (ségrégation?) entre la langue écrite et la langue parlée.

Le français perdit la prérogative de se développer librement, il devint la chose des lettrés, des poètes et des grammairiens. Voici comment se justifiait un latiniste de l'époque, Nicolas Oresme (v. 1320-1382):


Une science qui est forte, quant est de soy, ne peut pas estre bailliee en termes legiers à entendre, mes y convient souvent user de termes ou de mots propres en la science qui ne sont pas communellement entendus ne cogneus de chascun, mesmement quant elle n’a autrefois esté tractée et exercée en tel langage. Parquoi je doy estre excusé en partie, si je ne parle en ceste matière si proprement, si clarement et si adornéement, qu'il fust mestier.

Autrement dit, il convient d'user non pas de «termes légers à entendre», mais souvent de «mots propres de la science qui ne soient communément entendus ni connus de chacun». Oresme professait ainsi que plus les termes étaient difficiles et rares, mieux ils convenaient à des écrits savants.
En 1501, à la toute fin du moyen français, un traité anonyme, Le Jardin de Plaisance et fleur de rhetorique, dénonçait déjà cette nouveauté à outrance qui consistait à écumer le latin :


Quint vice est d'innovation
De termes trop fort latinisans
Ou quant l'on fait corruption
D'aucuns termes mal consonants,
Trop contrains ou mal resonans
Ou sur le latin escumez;
Ainsi ilz sont moult dissonans,
Indignes d'estre resumez.

[Le cinquième vice est l'invention
de mots nouveaux, trop latinisants,
ou quand on corrompt
des termes mal consonants,
trop forcés ou sonnant mal
ou empruntés au latin;
c'est ainsi qu'ils sont trop dissonants,
indignes d'être repris.]

En supposant que 20 millions de Français étaient des sujets du roi, on peut penser que quelque 40 000 d'entre eux savaient lire et que le tiers (presque tous les clercs) de cette mince fraction trouvait l'occasion de lire les textes que nous avons aujourd'hui sous la main. On peut estimer que pas plus d'un cinquantième de la population pouvait pratiquer ce français écrit. 
Le français s'est développé librement entre les IXe et XIVe siècles, mais le XVe siècle annonce déjà l'époque du «dirigisme linguistique», caractéristique du français qui va suivre. Durant ce temps, en 1452, l'Empire romain d'Orient (Byzance) était envahi par Memeth II, empereur ottoman (avec un seul canon, le premier de l'histoire), et Constantinople devenait Istanbul. La population fut massacrée et les églises, transformées en mosquées.

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